Projets PAMPANINO (2018) et ANR PAMPAS (2019-2023)

PAtrimoine des Marais des Pertuis charentais en réponse à l'Aléa submersioN marine : INititiation et Ouverture du projet

Contexte de l’Etude et Principaux Objectifs

Les zones humides côtières ne couvrent que 2 % du globe, mais concentrent 10 % de la population mondiale (Spalding et al. 2013). Cette conquête des espaces sur la mer est liée à l'exploitation de la richesse de ces écosystèmes pour répondre à des besoins de production et de protection (Pearce & Crivelli 1994). Ces zones constituent un patrimoine qui se définit par un ensemble d’éléments naturels (e.g. biodiversité, Lecq et al. 2017), productifs (e.g. activités économiques, Rivaud & Cazals 2012), culturels et symboliques (e.g. paysage, Long & Leveiller 2016). La notion d’identité patrimoniale d’un socio-écosystème (SE) renvoie alors à la transmission intergénérationnelle, à la conservation des attributs sociaux, culturels et naturels et au maintien des communautés sociales (Ollagnon 1989). Le projet PAMAPNINO financé par l’UMR LIENSs (Université de La Rochelle) sur une durée d’un an (2018) permet d'initier et d'ouvrir l'ANR PAMPAS portée par LIENSs et d’autres partenaires notamment l’IFREMER LER-PC sur la période 2019-2023. La problématique générale et large du projet PAMPAS est de comprendre le devenir des zones humides côtières et de leur gestion, en se focalisant sur l’évolution de l’identité patrimoniale des marais des Pertuis Charentais en réponse aux submersions.

L'idée principale des projets PAMPANINO et PAMPAS est de se focaliser sur différents sites de marais dans les Pertuis Charentais, (voir Figure) et d'en caractériser le patrimoine naturel (biodiversité, structuration en guildes écologiques, espèces « patrimoniales ») associé aux grandes fonctions écologiques comme les fonctions alimentation/nourricerie, épuration nutriments/contaminants, puits/source de carbone, refuge, reproduction, adhésion, transit. Les compartiments abordés sont les poissons, oiseaux, micro-organismes, le métazooplancton, la méiofaune, les reptiles, ainsi que les paramètres biogéochimiques de la colonne d'eau en particulier ceux associés au carbone et au système des carbonates dont le LER-PC a la charge.

  

Sites d’étude et stratégie d’échantillonnage

Localisation des stations suivies dans le cadre des projets PAMPANINO et PAMPAS depuis 2018. En haut, les Pertuis Charentais avec les trois sites de marais du Fiers d’Ars, de Tasdon et de Brouage. En bas, les stations du Fier d’Ars ses zones de marais associés : entrée du Fier (pCO2-Fier, 46°13’34.57’’N 01°28’59.56’’O ; pCO2-Chenal, Chenal du Vieux Port, 46°14’3.58’’N 01°30’02.23’’O) ; le vasais A1 (pCO2-A1, 46°14'6.38"N 01°30'24.34"O) ; le vasais de l’écomusée de Loix (pCO2-Ecomusée, 46°13'26.08"N 01°27'24.09"O) ; et les prés salés des Bossys perdus (Eddy-Bossys perdus, 46°13'44.33"N      1°30'11.07"O).

 

Trois sites principaux sont suivis depuis 2018 dans le cadre des projets PAMPANINO et PAMPAS à savoir les marais du Fier d’Ars (sur l’ile de Ré) protégés à l’intérieur de la Réserve de Lilleau des Niges et au niveau de l’Ecomusée des marais salants de Loix, gérés de façon différente suivant l’activité qui s’y déroule et dont les masses d’eau communiquent avec celles du Fier via des systèmes d’écluse. Deux autres sites sont suivis, le marais urbain de Tasdon, une « nature en ville » protégée sur l'arrière-côte et actuellement en travaux permettant de le reconnecter à la mer, et le marais de Brouage (suivi à partir de 2020), site à forte valeur patrimoniale naturelle, paysagère et culturelle pour lesquels les gestionnaires débattent vivement à l'heure actuelle du choix à faire entre une stratégie de défense ou de laisser-faire (voir Figure).

Le Fier d’Ars est une baie semi-fermée de la côte Ouest de l’Océan Atlantique située au Nord de l’île de Ré (France) communiquant avec le Pertuis Breton. Cette mer intérieure est constituée d’unités morpho-sédimentaires différentes, en particulier de marais endigués représentant 1200 ha ainsi que d'estrans vaseux intertidaux, représentant avec les chenaux de marée 750 ha (Bel Hassen 2000, Paticat 2006). Depuis 1980, une partie (119 ha.) du Fier d’Ars est classée Réserve Naturelle Nationale (de Lilleau des Niges) (Plan de gestion 2013-2017). Deux sites principaux situés à l’entrée du Fier et en fond de baie au niveau du chenal du Vieux Port (voir Figure) ont été retenus et ont été suivis en 2018 aux quatre saisons durant PAMANINO. Concernant les paramètres biogéochimiques, la température, salinité, concentration et saturation en oxygène, turbidité, pH ainsi que les pressions partielles de CO2 de l’eau sont mesurés toutes les minutes sur des cycles de 24 heures par une sonde multi-paramètres EXO1 (YSI)  et une sonde C-Sense (Turner/PME/Pro-Oceanus) respectivement, disponibles au LERPC (Ifremer La Rochelle). Le capteur pH (financé par le projet)  possède une précision de 0.3 unités alors que la sonde C-Sense présente un range de 0-2000 ppmv associé à une précision de 60 ppmv (3% du range) (voir Figure).

Déploiements in situ du « bathy biogéochimique » associant une sonde multi-paramètres EXO1 (YSI) et une sonde C-Sense (Turner/PME/Pro-Oceanus) permettant les mesures en sub-surface des différents paramètres de la colonne d’eau. Deux déploiements sur 24 heures sont réalisés sur deux jours consécutifs à l’entrée du Fier puis en fond de baie au niveau d’un chenal drainant les masses d’eau des marais associés amont. Le même synchronisme diurne/tidal est systématiquement adopté à chaque saison en vue d’intégrer au mieux les variations spatiales et temporelles (diurne, tidale et saisonnière) des paramètres biogéochimiques des masses d’eau du Fier.

Les premiers résultats analysés montrent des variations spatio-temporelles significatives pour l’ensemble des paramètres biogéochimiques mesurés au niveau des deux sites. En particulier, des variations diurne et tidale marquées et un fort contrôle des pCO2 par les processus de photosynthèse/respiration, d’advection horizontale ou encore liés aux couplages benthos-pelagos ont été observées avec des masses d’eau sursaturées en CO2 en Hiver influencées par les zones de marais amont, évoluant vers des masses d’eau sous-saturées au Printemps (Fier) mais avec une influence des marais persistantes (chenal du Vieux Port) (voir Figure).

Paramètres biogéochimiques mesurées au Printemps (Avril 2018) au niveau du Fier d’Ars (à gauche) et du chenal du Vieux Port (à droite) sur des cycles de marée pendant 24 heures. Les bandes grisées représentent les périodes de nuit.

Depuis 2019 dans le cadre de l’ANR PAMPAS, les mesures en sub-surface se poursuivent sur d’autres stations du Fier d’Ars notamment dans des bassins dits « vasais » en arrière des digues à la mer (A1 à Lilleau des Niges et à l’Ecomusée de Loix), mais aussi aux marais de Tasdon, et de Brouage (ce dernier sera suivi à partir de 2020)(voir Figure). Les mesures ont pu être complétés par l’acquisition d’une deuxième sonde CO2 (0-4000 ppmv), de capteurs de PAR pour le rayonnement photosynthétiquement actif et de fluorescence de l’eau, ce dernier permettant d’en déduire les concentrations de Chlorophylle a dans l’eau (via des prélèvements d’eau en parallèle) (voir Figure) (Mayen 2019, 2020).

Signaux d’oxygène, du PAR, des pCO2 et de Chlorophylle a dans l’eau mesurés aux vasais A1 de la RNN de Lilleau des Niges (gauche) et de l’Ecomusée de Loix (à droite) en juillet 2019. Les points en noir correspondent aux mesures de Chlorophylle a en laboratoire à partir des prélèvements d’eau. Les NpCO2 et TpCO2 représentent l’influence des effets non température (biologie, advection tidale…) et température respectivement, sur les variations de pCO2 observées sur chaque cycle de marée.

En 2019, une nouvelle station d’Eddy Covariance atmosphérique a été acquise au LER-PC via le projet PAMPAS et installée au sein de la RNN de Lilleau des Niges dans les prés salés des Bossys perdus depuis juin 2019 (voir Figure). Cette technique micrométéorologique largement utilisée dans les écosystèmes terrestres est particulièrement appropriée dans la mesure des flux verticaux de CO2 dans des systèmes aquatiques hétérogènes et variables comme les systèmes littoraux de type marais salés, lagunes intertidales (Kathilankal et al. 2008, Artigas et al. 2015, Polsenaere et al. 2012). Cette technique permet d’obtenir à très haute fréquence des chroniques temporelles de flux de CO2 en continu aux deux interfaces (sédiment-air et eau-air), de manière non intrusive et à l’échelle de l’écosystème (Aubinet et al. 2000, Baldocchi 2003). Cette méthode nécessite par ailleurs un travail important lors des déploiements in situ (i.e. en zone tidale) mais aussi dans l’analyse quantitative et qualitative (tests statistiques, analyses (co)spectrales, corrections fréquence) des données brutes mesurées. Cette étude est notamment effectuée en collaboration entre le LER-PC et l'équipe associée de l’INRAe Mécanique Environnementale (ME) de l’UMR Interaction Sol Plante Atmosphère (ISPA), spécialistes des processus écologiques et biogéochimiques et des mesures de flux turbulents ainsi que les gestionnaires de la RNN de Lilleau des Niges (LPO). Ces mesures directes de flux de CO2 viendront donc complétées nos estimations de flux à l’interface eau-atmosphère à partir des mesures de pCO2 dans l’eau décrites précédemment. Une thèse Ifremer coencadrée par le LER-PC, DYNECO-PELAGOS et le LER-PC se focalisera sur l’ensemble de ces aspects liés au métabolisme et à la dynamique du carbone des marais à partir de l’automne 2020. En parallèle à partir de 2021, un projet de post-doctorat également financé par l’Ifremer s’intéressera plus spécifiquement à cette dynamique dans les sols de marais.

Station de mesures des échanges de CO2 atmosphérique par Eddy Covariance atmosphérique installée depuis juin 2019 aux prés salées des Bossys perdus (RNN Lilleau des Niges). L’EC150 et CSAT3A mesurent respectivement les densités absolues de CO2 (g m-3), de vapeur d’eau (g m-3), de température de l’air et les vitesses, directions du vent. Des capteurs annexes mesurent la température et humidité relative, le PAR de l’air.

 

Liens et informations utiles

  • Mayen J. (2020).  Spatial and temporal variations in pCO2 and atmospheric CO2 exchanges in a temperate salt marsh system. https://archimer.ifremer.fr/doc/00636/74772/
  • Mayen J. (2019).  Variabilité temporelle des pressions partielles de CO2 dans l’eau et flux eau-atmosphère associés au niveau des marais du Fier d’Ars (île de Ré). https://archimer.ifremer.fr/doc/00505/61678/
  • Polsenaere P. (2018).  Rôle des marais littoraux dans les budgets de Carbone : processus et flux associés. Colloque international « Adaptation des marais littoraux au changement climatique. 27, 28 et 29 novembre 2018, La Rochelle. https://w3.ifremer.fr/archimer/doc/00471/58258/(Oral com.)
  • Polsenaere P., Ternon Q., Chabirand J-M., Grizon J., Soletchnik P. (2018).  PAMPANINO – 2018. Dynamique du CO2 et des flux atmosphériques associés dans les masses d'eau du Fier d'Ars. Séminaire de restitution du projet PAMPANINO et de lancement de l'ANR PAMPAS (ANR-18-C032-0006). 12-13 novembre 2018, Université La Rochelle. https://w3.ifremer.fr/archimer/doc/00469/58031/60448.pdf (Oral com.)
  • Polsenaere P., Chabirand J.-M., Grizon J. (2018).  PAMPANINO - 2018 - Dynamique des pressions partielles de CO2 dans la baie côtière du Fier d’Ars et ses marais. Séminaire de restitution du projet PAMPANINO (mi-année). 18 juillet 2018, Université de La Rochelle, France. https://w3.ifremer.fr/archimer/doc/00452/56342/
  • https://pampas.recherche.univ-lr.fr