Etude sur la remobilisation de sédiments potentiellement contamines induite par une opération d'extraction de granulats en baie de seine

Le granulat est, après l’eau, la substance la plus consommée en France, avec une demande en augmentation depuis 30 ans.

Aussi, les entreprises d’extraction des granulats se tournent depuis quelques années vers les ressources en mer devant l’indisponibilité des ressources à terre. Principalement pour des raisons logistiques et financières, les gisements marins ciblés sont généralement entre 10 et 30 m de profondeur et à une distance entre 8 et 20 km du littoral, soit une certaine proximité à la zone côtière, de ses usages et surtout de ses problématiques environnementales.

En baie de Seine, un site est actuellement ciblé pour l’extraction de granulats marins. Ce site fait l'objet d'un permis exclusif de recherche pour une durée de 3 ans. Les résultats de la campagne ROCCHSED (Réseau d’Observation de la Contamination Chimique dans le SEDiment) de 2009 ont montré que les sédiments de surface en sortie de l’estuaire de Seine contiennent plusieurs contaminants (métaux et organiques). En outre, un échantillonnage a été réalisé sur 4 points dans la zone ciblée pour l'extraction de granulats marins lors de la campagne ROCCHSED 2013, et a permis de montrer que, malgré une granulométrie contenant peu à très peu de fines (de 2,4 % à 11,4 %) selon les points, plusieurs contaminants y ont été retrouvés.

Objectifs

  • Apporter des connaissances complémentaires sur la remobilisation des sédiments contaminés induite par une opération d’extraction, sur la cinétique de cette remobilisation dans le panache turbide créé, et le devenir des contaminants entre la phase particulaire et la phase dissoute ;
  • Vérifier l’évolution de la qualité des eaux dans ce contexte, et permettre d’identifier le besoin ou non d’un suivi à long terme lors de la phase d’exploitation d’un gisement dans une zone impactée par l’apport de sédiments fins contaminés.

Dynamique du panache turbide

En Manche orientale, l’exploitation est réalisée par des navires équipés d’un système d’aspiration en marche qui quadrille une partie du site d’extraction à vitesse réduite. . Ce type de d'extraction crée un panache particulièrement visible en surface.

Le panache peut présenter deux phases :
  • une phase dynamique, siège d’une décantation rapide (5-15 min) avec étalement des particules sur le fond
  • une phase passive qui témoigne d’une décantation plus lente et d’une dispersion progressive (quelques heures avec un dépôt sur une distance de 1 à 8 km depuis le point de surverse).

A l’entrée des eaux de surverse dans le milieu marin, la concentration chute de quelques grammes par litre à quelques dizaines ou centaines de milligrammes par litre sous l’effet d’une dilution. Le panache bien établi à l’arrière de la drague (10 min après la surverse), d’une largeur de 100 m, évolue de manière passive sous les effets conjugués d’une dispersion latérale et d’une décantation des particules. Les concentrations diminuent progressivement pour tendre vers celles du milieu naturel au-delà de 2h, même si le panache reste parfois visible à l’œil nu. Dans le contexte macrotidale de la Manche orientale, il ressort que les conditions d’extraction (avec ou contre-courant, débit de la pompe, capacité de chargement) contrôlent fortement les concentrations initiales, la géométrie et l’importance relative de la phase dynamique du panache, et le type de matériaux dragués (granulométrie et nature) et les courants tidaux conditionnent le temps de dispersion (phase passive) et l’extension du panache qui peut se développer jusqu’à 6,5 km au-delà de la zone d’extraction.

Stratégie expérimentale

la stratégie expérimentale de l’étude se compose de deux phases :
  • Phase 1 : évaluation de la qualité des sédiments sur site, et de la qualité des eaux sans extraction 
  • Phase 2 : suivi Lagrangien du panache turbide lors d’une opération d’extraction

Résultats obtenus

Phase 1 
  • niveau de présence des contaminants dans les sédiments de la zone d'étude
  • niveau de présence des contaminants dans l'eau,brute et filtrée en sub-sufarce, mi-profondeur et fond à basse mer
  • caractérisation physico-chimique de la colonne d'eau (température, salinité , oxygène dissous, fluorimétrie, néphélométrie, matière en suspension, matière organique particulaire)
Phase 2
  • évolution des concentrations des contaminants dans l'eau brute et filtrée en sub-surface à T0 (avant le début de l'extraction), à T0 + 20 minutes (une fois l’extraction commencée), à T0 + 1 heure , T0 + 2 heures et 1 heure après la fin de l'extraction
  • évolution des paramètres hydrologiques : nutriments, chlorophylle et physico-chimique (température, salinité, matière en suspension et matière organique particulaire) à T0 (avant le début de l'extraction), à T0 + 20 minutes (une fois l’extraction commencée), à T0 + 1 heure , T0 + 2 heures et 1 heure après la fin de l'extraction
La synthèse des résultats devra permettre d’émettre des recommandations quant à la nécessité de mettre en place un suivi chimique à long terme dans le cadre d’extractions de granulats dans une zone impactée par l’apport de sédiments fins contaminés, et sur la méthodologie adaptée.