MORBLEU 2014-2020

LE PROJET MORBLEU, pourquoi cette étude ?

En 2014, dans un contexte hivernal perturbé, des épisodes de mortalité d’une ampleur anormale ont affectés les cheptels mytilicoles de Charente maritime et de Vendée avec des pourcentages de mortalité pouvant atteindre 100% dans certains secteurs. Les premières expertises conduites ont permis de montrer que les conditions hydrologiques de l’hiver 2014 ne permettent pas de mettre en évidence une cause environnementale à ces mortalités exceptionnelles. Les analyses en pathologie ont révélé dans les moules la présence de bactéries appartenant au groupe bactérien Vibrio splendidus, dont la virulence de quelques isolats a été confirmée expérimentalement, sans pouvoir conclure à ce stade d’un lien de causalité dans le phénomène observé.

Face à ce phénomène exceptionnel pour la filière mytilicole, le Ministère de l’agriculture via la Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA) a diligenté l’Ifremer pour conduire dès 2015 une étude prospective et descriptive (environnement et animaux) qui préciserait les conditions favorisant les surmortalités de moules. L’étude, MORtalité des moules BLEUes, -MORBLEU-, proposée en réponse à la demande publique est constituée d’actions de recherche multidisciplinaires, multi-échelles. Elle s’appuie sur sept laboratoires de l’Ifremer et sur le réseau d'observation MYTILOBS.

Ce projet a été mené entre 2015 et 2020. Il a pour objectifs principaux de décrire les mortalités et étudier les conditions associées aux épisodes de mortalité des moules ; identifier des facteurs potentiellement corrélés avec les mortalités de moules observées dans le périmètre des Pertuis Charentais et en Baie de Bourgneuf : facteurs intrinsèques aux animaux (traits d'histoire de vie, statut génétique et cytogénétique, physiologie) et facteurs environnementaux (biotiques, abiotiques et hydrodynamiques). Enfin, caractériser le potentiel d’adaptation de populations de moules faisant face aux épisodes de mortalité. Cette étude a été menée de 2015 à 2019, avec des observations et des suivis sur le terrain entre 2015 et 2018. Le périmètre de cette étude est limité, il ne concerne pas les moules issues de gisements naturels.

Au regard de ce phénomène inexpliqué de mortalités massives de moules dans les Pertuis, l’hypothèse d’un processus multifactoriel a été envisagée, mettant en jeu des interactions entre la moule, son environnement d’élevage et des agents pathogènes. Ainsi, plusieurs pistes ont été étudiées (Figure ci-dessous).

Les nouvelles connaissances acquises au cours de l’étude MORBLEU concourent à établir un lien entre différentes pistes explorées. Elles nous permettent de proposer l’hypothèse d’un schéma général pour « décrire » l’étiologie complexe du syndrome de mortalités printanières de moules bleues et des facteurs qui semblent moduler son impact sur les populations de moules. Cependant, les interactions entre les différents facteurs sont difficiles à caractériser dans un environnement marin côtier ouvert, complexe et changeant. Ainsi, la description de faits concomitants n’implique pas un lien causal entre eux ou avec les mortalités.

En l’état, un bilan des analyses menées amènent aux éléments de connaissances suivantes.

Les pistes étudiées en lien avec les mortalités de moules montrent qu’il n’y a pas de risque pour la santé des consommateurs. L’étude MORBLEU met en évidence un phénomène multifactoriel associé à un facteur de risque et un contexte particulier.

Des conditions environnementales (hydro-climat) récurrentes et variables selon les années et les saisons, avec : des hivers doux (eau >9C°, janvier à mars) et pluvieux (chocs de dessalure), conditions qui pourraient engager précocement les moules adultes dans la gamétogenèse (investissement dans la maturation sexuelle et la reproduction) réduisant la période de repos physiologique.

  • La moule est fragilisée et affaiblie par des conditions qui induisent une reproduction précoce

Des bactéries opportunistes, émergence dans ce contexte environnemental de bactéries à la faveur d’une eau plutôt « chaude » pour la saison et subissant des dessalures (ex. des bactéries du genre Vibrio, du groupe Vibrio Splendidus, des familles Francisellaceae ou Flavobacteriaceae;

  • Un environnement microbien où émergent des bactéries opportunistes qui peuvent infecter une moule affaiblie par ailleurs et conduire à sa mort.

Des populations de moules à l’état de santé dégradé : Fait nouvellement décrit sur les moules bleues en France, une partie des populations de moules étudiées connaissent un état de santé altéré par une maladie qui affecte leurs cellules circulantes (hémocytes). Ces altérations de la quantité d’ADN et du nombre de chromosomes (anomalies génomiques) qui ont été montrées comme étant liées à un processus néoplasique, agissent en facteur de morbidité en affaiblissant l’état général de l’animal, tout particulièrement ses défenses immunitaires. La mesure du taux d’anomalies est un indicateur de santé.

  • Une maladie émergente des moules qui agit comme un facteur de risque, un facteur de morbidité. Elle affecte la santé générale des moules et les rend plus vulnérables aux agents infectieux opportunistes. Des outils sensibles ont été validés pour qualifier les moules pour ce risque.

Ce schéma met en lumière le caractère multifactoriel du syndrome des mortalités printanières de la moule bleue décrit en France sur la côte atlantique depuis 2014. Il laisse cependant des questionnements qui justifieraient des travaux complémentaires à venir.

Enfin, le potentiel d’adaptation de populations de moules faisant face aux épisodes de mortalité a été testé à plusieurs reprises en laboratoire et sur estran. Il a été mis en évidence une nette amélioration des taux de survie des lots de moules issus de parents ayant survécus à des épisodes de mortalité antérieurs ainsi qu’une meilleure résistance de Mytilus galloprovincialis par rapport à M. edulis face à ces phénomènes.

Le projet MORBLEU est une étude portée par l’Ifremer en réponse à une demande de la Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture –DPMA-. Ce projet a bénéficié de la collaboration d’un ensemble de partenaires :

  • ISEM, Institut des Sciences de l'Evolution (UMR 5554) CNRS et Université des Sciences de Montpellier2
  • Université de Bordeaux I, UMR CNRS 5805 EPOC/LPTC (H. Budzinski, N. Tapie)
  • Conseil Départemental de Charente Maritime CD17 (B. Samzun)
  • Conseil Départemental de Vendée CD85 (M. Grila)
  • Laboratoire départemental LASAT-QUALYSE de la Rochelle (T. Agion)
  • INRA-GENOTOUL, plateforme de séquençage Get-PlaGe, Bioinfo Castanet-Tolosan

IFREMER

  • Les Réseaux de surveillance : Mytilobs, Repamo, REPHY
  • LNR-Maladie des Mollusques Marins
  • RIC cellule Bio-informatique
  • SISMER et Coriolis
  • Unité SG2M, laboratoires LGPMM, LSEM, LSPC
  • Unité Littoral, Laboratoires LERPC, LERMPL

Quelques Liens utiles :

  • Travers et al. (2016). Mortalités de moules bleues dans les Pertuis Charentais: description et facteurs liés – MORBLEU. 2016-03.Rapport de contrat. R.INT.RBE/SG2M-LGPMM. https://doi.org/10.13155/43539
  • Benabdelmouna et al. (2016). The mass mortality of blue mussels (Mytilus spp) from the Atlantic coast of France is associated with heavy genomic abnormalities as evidenced by flow cytometry. Journal Of Invertebrate Pathology, 138, 30-38. 2016-07. https://doi.org/10.1016/j.jip.2016.06.001
  • Pépin et al. (2017). Mortalités de moules bleues dans les secteurs mytilicoles charentais et vendéens : description et facteurs liés – MORBLEU-2016. 2017-03. Rapport de contrat. R.INT.RBE/SG2M-LGPMM. https://doi.org/10.13155/50288
  • Pepin et al. (2018). Mortalités de moules bleues dans les secteurs mytilicoles : description et étude des facteurs liés, action –MORBLEU-2017. 2018-03. Rapport de contrat. R.INT.RBE/SG2M-LGPMM-2018. https://doi.org/10.13155/61503
  • Benabdelmouna et al. (2018). Genomic abnormalities affecting mussels (Mytilus edulis-galloprovincialis) in France are related to ongoing neoplastic processes, evidenced by dual flow cytometry and cell monolayer analyses. Journal Of Invertebrate Pathology, 157, 45-52. 2018-09. https://doi.org/10.1016/j.jip.2018.08.003
  • Pepin et al. (2019). Mortalités de moules bleues dans les secteurs mytilicoles : description et étude des facteurs liés, action – MORBLEU-2018. 2019-03. Rapport de contrat. RBE/SG2M-LGPMM-2019. https://doi.org/10.13155/70056
  • Données issues des sondes de mesures en haute fréquence téléchargeables au fil de l’eau sur les sites dédiés : https://data.coriolis-cotier.org/ ; https://data.coriolis-cotier.org/platform/IF000617