Jérémy Mayen, doctorant au LER/PC

Depuis le 05 octobre 2020, le LER/PC accueille pour 3 ans Jérémy Mayen en thèse dans le cadre du projet de l’ANR-PAMPAS. Cette thèse intitulée Échanges de CO2 atmosphérique dans les marais Charentais : processus, dynamique et facteurs de contrôle associés, est financée en intégralité par la Direction Scientifique de l'Ifremer et se déroule sous l’encadrement de Philippe Souchu (LER/MPL), de Pierre Polsenaere (LER/PC) et d’Aurore Regaudie De Gioux (Pelagos).

Son parcours

Originaire du Béarn dans le sud-ouest de la France, j’ai effectué l’intégralité de mes études à l'Université de Pau et des Pays de l'Adour (UPPA) où j’ai obtenu la licence Sciences de la Vie en 2018 puis le master Chimie et Sciences du Vivant, mention Biologie Moléculaire et Microbiologie de l’Environnement en 2020. Aujourd’hui, pleinement intégré dans l’équipe du LER/PC, mon travail s’oriente vers les domaines de l’écologie et de la biogéochimique côtière en relation directe avec le cycle du carbone dans les zones de marais salés tempérés.

Sa thématique de recherches

Au sein des zones humides côtières, les marais salés sont des réservoirs majeurs de biodiversité en terme de faune, de flore et de microorganismes benthiques et planctoniques (Visser et al. 2019) qui sont régulièrement inondés et drainés par l’advection horizontale des eaux côtières (NOAA). Malgré leur faible superficie à l’échelle mondiale, ces écosystèmes côtiers exceptionnels assurent de grands services écosystémiques tels que l’épuration naturelle des eaux et la séquestration de carbone depuis l’atmosphère dans les sédiments riches en matière organique. Selon Wang et al. (2016), seulement 11% du carbone fixé par la photosynthèse dans les marais salés est stocké dans leurs sols mais du fait de leur production primaire exceptionnelle (Tobias & Neubauer 2019), ces systèmes contribuent de façon plus importante à la séquestration de carbone en comparaison à d’autres écosystèmes. En effet, les marais salés séquestrent environ 43 fois plus de carbone organique dans leurs sédiments sous forme de « carbone bleu » que les forets tempérés avec 218 ± 24 gC m-2 an-1 et représentent donc une composante essentielle du carbone biologique stocké sur terre (Mcleod et al. 2011). Ces systèmes côtiers exportent également de grandes quantités de carbone vers les systèmes aquatiques adjacents (Najjar et al. 2018). L’hypothèse de « la pompe CO2 des marais » (Wang & Cai 2004) propose que la fixation de CO2 atmosphérique par les plantes (terrestres et aquatiques) et les microorganismes (benthiques et planctoniques) des marais et l’export d’une partie de ce carbone associé serait à un des mécanismes majeurs rendant les eaux côtières et océaniques adjacentes sources de CO2 pour l’atmosphère (Wang et al.  2016, Najjar et al. 2018). Cependant, le manque de mesures in situ relatives à la dynamique du carbone (pressions partielles de CO2), carbone inorganique dissous (DIC), flux de CO2 (sédiment-air, eau-air, sédiment-eau) au sein de ces marais aux différentes échelles spatiales et temporelles entrainent de nombreuses incertitudes quant à leur statut, à savoir puits ou source de CO2 vers l’atmosphère, et donc leur rôle au sein des budgets (régionaux et globaux) de carbone dans le contexte du changement global.

L’enjeu de ce travail de thèse est donc de mesurer les processus physico-chimiques et biologiques et les flux de carbone intervenant aux interfaces d’échanges terrestre-aquatique-atmosphérique des marais des Pertuis Charentais afin de mieux comprendre leur dynamique vis à vis des facteurs de contrôle associés et donc leur rôle au sein des budgets de carbone aux différentes échelles spatiales et temporelles (diurne, tidale, saisonnière et annuelle).

Les objectifs scientifiques de sa thèse :

Le premier objectif se focalisera sur la dynamique temporelle des pressions partielles de CO2 de l’eau (pCO2) et des flux de CO2 estimés à l’interface eau-atmosphère au niveau des compartiments aquatiques associés aux zones de marais qui restent peu étudiées du point de vue dynamique du carbone. Des mesures in situ à l’aide de sondes autonome multiparamètres et spécifiques vont permettre de suivre la dynamique tidale, diurne et saisonnière des paramètres biogéochimiques en sub-surface des marais étudiés. Le deuxième objectif scientifique répondra aux questionnements quant aux échanges de CO2 entre l’atmosphère et les prés salés des Bossys Perdus Ré (voir photos - Réserve Naturelle Nationale de Lilleau des Niges, Ile de Ré) via la technique d’Eddy Covariance (EC) atmosphérique installée depuis l’été 2019. L’EC atmosphérique est une technique micrométéorologique appropriée dans la mesure in situ des flux verticaux de CO2 (FCO2) dans des systèmes aquatiques hétérogènes et variables comme les systèmes littoraux de type marais salés ou lagunes intertidales (Kathilankal et al. 2008, Polsenaere et al. 2012, Schäfer et al. 2014). Cette technique permet (1) d’obtenir à très haute fréquence des séries temporelles de FCO2 in situ aux deux interfaces d’échanges (sédiment-air et eau-air), de manière non intrusive et à l’échelle de l’écosystème (Baldocchi 2003) et ensuite (2) de qualifier et quantifier le statut métabolique de ces prés salés en fonction des paramètres environnementaux abiotiques et biotiques (rythme diurne, tidal, saisonnier, habitats aquatique et terrestre avec l’ensemble des compartiments biologiques et sédimentaires associés) (Artigas et al. 2015). Concernant le troisième objectif, le métabolisme de la colonne d’eau sera suivi via la méthode Winkler permettant de mesurer la production primaire et la respiration des communautés planctoniques à partir de prélèvements d’eau afin d’évaluer leur rôle dans le cycle du carbone et leur statut métabolique au sein des marais (Oudot et al. 1988). Ces mesures de production primaire seront donc couplées avec les données de pCO2 et de flux de CO2 eau-atmosphère obtenues à haute fréquence.

Les masses d’eau côtières advectées dans les marais salés comme aux Bossys Perdu peuvent y influencer les échanges de CO2 atmosphérique mesurés par EC ; il est donc nécessaire de réaliser des mesures de pCO2 de l’eau ainsi que des autres formes de carbone (carbone inorganique dissous CID, carbone organique dissous COD et particulaire COP) et des paramètres associés (nutriments minéraux dissous : nitrates NO3-, phosphates PO43-, silicates Si(OH); matériel particulaire : Chlorophylle a Chl-a et azote organique particulaire NOP) ; et isotopes (δ15NOP et δ13COP). Des cycles de 24h seront réalisés en 2021 aux différentes saisons intégrant l’ensemble de ces mesures.

Tout ceci est résumé dans cette vidéo :

Références bibliographiques

  • Artigas F, Shin JY, Hobble C, Marti-Donati A, Schäfer KVR, Pechmann I (2015) Long term carbon storage potential and CO2 sink strength of a restored salt marsh in New Jersey. Agricultural and Forest Meteorology 200:313–321.
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  • Chmura GL, Anisfeld SC, Cahoon DR, Lynch JC (2003) Global carbon sequestration in tidal, saline wetland soils. Global Biogeochem Cycles 17:n/a-n/a.
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  • Mcleod E, Chmura GL, Bouillon S, Salm R, Björk M, Duarte CM, Lovelock CE, Schlesinger WH, Silliman BR (2011) A blueprint for blue carbon: toward an improved understanding of the role of vegetated coastal habitats in sequestering CO2. Frontiers in Ecology and the Environment 9:552–560.
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  • Tobias C, Neubauer SC (2019) Salt Marsh Biogeochemistry—An Overview. In: Coastal Wetlands. Elsevier, p 539–596
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  • Wang ZA, Cai W-J (2004) Carbon dioxide degassing and inorganic carbon export from a marsh-dominated estuary (the Duplin River): A marsh CO 2 pump. Limnol Oceanogr 49:341–354.
  • Wang ZA, Kroeger KD, Ganju NK, Gonneea ME, Chu SN (2016) Intertidal salt marshes as an important source of inorganic carbon to the coastal ocean: Marsh lateral export of inorganic carbon. Limnol Oceanogr 61:1916–1931.